« Lémuriens : patrimoine national unique, Protégeons leurs habitats » telle a été la thématique adoptée pour la célébration de la Journée nationale des lémuriens pour l’année 2022. La Journée sera célébrée dans la Région Menabe (Ouest de Madagascar) pour le 28 octobre prochain. Rappelons que l’aire protégée de Menabe Antimena abrite le Microcebus Berthae, le plus petit lémurien du monde, qui est en danger critique d’extinction.
Si la déforestation est la cause majeure de la disparition des lémuriens, la chasse pour fins de consommation la suit de près. Dans l’aire protégée de Beanka (Ouest de Madagascar, Région Melaky), le gestionnaire BCM a réussi un défi de taille : celui d’éradiquer la consommation locale de lémuriens.
D’une tradition ….
Avant 2010, les populations de certaines localités autour de l’aire protégée de Beanka avaient pour tradition de consommer de la viande de lémuriens. D’une part, le zébu est plutôt considéré comme un bien immobilier nécessaire à l’agriculture. D’autre part, les actes de grand banditisme ont raréfié le nombre de zébus.
« Au mois d’avril, les lémuriens étaient habituellement piégés. Puis, ils étaient relâchés et suivis afin de pouvoir localiser leur lieu d’ancrage. Quelques mois plus tard, à la période de moisson du riz, ils étaient capturés et tués. Puis, leur viande était préparée et servie pour les festivités de la première récolte de riz (le Satam-bary). » nous raconte un responsable de l’aire protégée, M. Randalana Roger.
L’Eulemur Rufus et dans une moindre mesure le Prothithecus deckini en étaient les victimes. Mais, grâce à une sensibilisation soutenue des communautés locales, BCM a réussi à façonner durablement les comportements.
…Au changement de comportement
Retours sur les facteurs clés de succès de cette sensibilisation :
- Un message adapté : Les animaux sauvages ne se reproduisent pas assez vite, contrairement aux animaux domestiques, voilà pourquoi ils ne sont pas faits pour être mangés. Les lémuriens sont difficiles à attraper et sont peu nombreux puisqu’un bébé lémurien ne naît que tous les ans ou tous les deux ans. Il est ainsi plus avantageux de se nourrir d’animaux dont la reproduction est rapide et en quantité, telles les poules. Par ailleurs, le lémurien est un animal protégé, entre autres, car il contribue à la régénération naturelle des forêts et plus généralement à la santé de l’écosystème. Les capturer constitue un délit passible de sanctions.
- Une approche simple : de village en village, d’une place centrale à une autre, les responsables du site de Beanka (agents de terrains et staff de BCM, dont certains sont originaires de la région) ont effectué le tour des localités et ont réuni les communautés pour délivrer le message. En plus de ces rondes, le message a été repris plusieurs fois lors des actions réalisées avec les communautés comme à l’occasion des séances de reboisement et de nettoyage des pare-feux… Par la suite, les communautés sensibilisées ont transmis les bonnes pratiques à leurs enfants ou aux migrants.
- Une alternative valable et soutenue : Pour accompagner cette action de sensibilisation, le gestionnaire a doté les communautés de ressources avicoles. En 2016, 350 géniteurs de poules et de canards ont été attribués à 7 villages. Entre 2016 et 2018, environ 95 poulaillers en grillage métallique résistant aux attaques de fosa (carnivores sauvages) ont été distribués dans ces villages. Ces dotations ont été accompagnées d’une formation sur la prévention contre les maladies courantes ou occasionnelles et la gestion/entretien de poulailler.
- Un suivi régulier : Les contrôles réguliers effectués par les agents employés par BCM permettent de s’informer sur les cas de chasse ou braconnage
Il est constaté une progression de la densité de la population de lémuriens dans l’aire protégée. En 2022, l’estimation du gestionnaire sur les tailles de la population d’Eulemur rufus et de Prothithecus deckini sont de 5400 (± 1300) et de 11400 (± 2500) respectivement.
La préservation des lémuriens donne un aperçu de l’engagement des communautés locales pour la conservation de la forêt. Ici, les villageois sont convaincus du rôle déclencheur de pluies des forêts. Elle observe la différence flagrante entre la quantité de précipitation à Beanka et celle des zones dénudées de l’autre côté de leur village. Beanka abrite un réservoir d’eau qui alimente jusqu’à la rizière de Maintirano. Depuis 2015, Beanka bénéficie du soutien de la FAPBM.
Pour en savoir plus sur les actions de sensibilisation à Beanka : Radosoa Andrianaivoarivelo aniainodna@yahoo.fr